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Comment reconnaître et prévenir l’exploitation financière des aînés

Par RBC

Publié le 16 janvier 2024 • 9 min de lecture

L’article ci-dessous a initialement été publié sur le site Perspectives et recherche, RBC Gestion de patrimoine.

On parle rarement d’exploitation financière des aînés, mais bon nombre d’entre eux s’en préoccupent beaucoup. Voici quelques mesures à prendre pour vous protéger, vous et vos proches.

À titre d’avocate spécialisée en testaments et successions, Bianca Krueger a été témoin de bien des conflits familiaux et des disputes liées à l’argent. Cependant, rien ne la bouleverse davantage que de voir un enfant exploiter son parent âgé. Il y a de cela plusieurs années, Mme Krueger a reçu l’appel d’une cliente octogénaire qui souhaitait modifier son testament. Elle voulait rencontrer Mme Krueger ailleurs que chez elle, et l’avocate a rapidement compris pourquoi. Le jour du rendez-vous, un homme a appelé et a demandé au parajuriste de Mme Krueger d’annuler la rencontre. Trouvant cela très bizarre, cette dernière a décidé de se rendre tout de même à l’appartement de la cliente. Sur place, le fils de la cliente a physiquement tenté d’empêcher Mme Krueger d’entrer.

La cliente âgée voulait nommer un mandataire et modifier son testament afin d’avoir la certitude de recevoir des soins dans l’avenir. Aux prises avec un grave problème d’alcool, le fils d’âge mûr agressait verbalement sa mère et voulait garder l’appartement en copropriété de celle-ci à son décès. Il croyait aussi à tort qu’en tant qu’exécuteur testamentaire actuel, il pouvait empêcher sa mère de prendre des décisions de son vivant.

Mme Krueger a finalement pu aider la cliente à effectuer sa planification successorale et sa planification en cas d’inaptitude grâce au soutien de ses autres enfants, mais l’incident l’a marquée. Malheureusement, les histoires du genre sont plus courantes que bon nombre de Canadiens ne le croient.

Le problème de l’exploitation financière des aînés est croissant au Canada. Selon un rapport de VanCity de 2014, pour lequel un sondage a été mené auprès d’aînés des régions de Vancouver et de la Vallée du bas Fraser, 41 % des personnes âgées ont subi une certaine forme d’exploitation financière. Cette proportion montera sans doute, car le nombre d’aînés de plus de 85 ans devrait augmenter de 98 % au cours des 20 prochaines années. Il existe d’autres types d’exploitation des aînés, mais l’exploitation financière est le plus courant. Selon la Commission ontarienne des droits de la personne, 62,5 % des cas d’exploitation sont liés à l’argent.

Savoir reconnaître l’exploitation financière des aînés

L’exploitation des aînés représente bien plus que l’abus, par des fraudeurs, de personnes âgées sans méfiance. On la définit également comme une situation où des membres de la famille, des aidants ou des amis d’une personne âgée lui soutirent de l’argent. Il peut s’agir d’un membre de la famille ou d’un prestataire de service en qui l’aîné a confiance, ou encore d’un voisin ou d’un ami.

L’exploitation financière peut revêtir différentes formes : elle peut sembler à première vue inoffensive, comme le fait pour un enfant de payer son épicerie à l’aide de la carte de crédit de son parent, ou être plus manifeste, comme le fait pour un nouvel amoureux de demander à être ajouté à un testament. Les personnes âgées ne se rendent souvent pas compte que l’on profite d’elles avant qu’il ne soit trop tard. « Le manège peut commencer par une petite demande », souligne Mme Krueger.

Il faut par ailleurs noter qu’il est souvent difficile d’établir avec certitude qu’il y a exploitation ; Statistique Canada indique que 96 % des mauvais traitements dont sont victimes les aînés se trament dans l’ombre ou passent inaperçus. Cette zone devient de plus en plus grise. Comment savoir si une personne aide véritablement l’aîné dans sa planification successorale ou si elle l’escroque ?

Soyez à l’affût des signaux d’alarme : nouveaux « amis » ou modification des habitudes de dépenses

Il n’est pas toujours simple de reconnaître immédiatement un cas d’exploitation financière d’un aîné. Il arrive souvent que de tels cas soient découverts après qu’une grande partie de l’épargne de la personne âgée a disparu. Les proches doivent surveiller certains signaux d’alarme. L’un des principaux est le nouvel « ami ».

Par exemple, un nouvel ami, compagnon ou amoureux fait soudain son apparition dans la vie de la personne âgée, puis commence à accompagner cette dernière à ses rendez-vous avec des avocats et des conseillers financiers. On conseille aux membres de la famille et aux proches de se renseigner sur cette personne et sur les motifs qui la poussent à s’occuper des affaires de l’aîné. Ils doivent également surveiller tout achat inhabituel (par exemple : la personne âgée se met soudainement à magasiner en ligne alors qu’elle n’avait pas l’habitude de le faire). Dans ces cas, il se peut que quelqu’un d’autre, soit un enfant ou le nouvel « ami » de la personne âgée, effectue des achats avec la carte de crédit de cette dernière.

L’isolement social constitue un autre signal d’alarme. Il pourrait avoir lieu de s’interroger si l’aîné passe moins de temps avec sa famille ou son cercle d’amis et trop avec cette personne. Mme Krueger recommande que la personne âgée continue de participer aux activités de sa collectivité et conserve son réseau social. Les proches de l’aîné doivent être à l’affût de tout changement soudain de ses activités sociales et de ses habitudes.

Protégez vos proches grâce à une procuration financière

La meilleure façon de prévenir la maltraitance d’une personne âgée consiste à établir un plan à un stade précoce. D’abord, il faut désigner la bonne personne à titre de mandataire en vertu d’une procuration financière (à ne pas confondre avec une procuration relative aux soins de santé). Le plus souvent, les gens nomment l’enfant de la personne âgée comme mandataire. Dans de nombreux cas, toutefois, la progéniture d’un parent pourrait ne pas être la mieux placée pour superviser ses finances.

Qu’advient-il si l’enfant doit décider entre des soins à domicile permanents, qui sont chers, et le placement dans une résidence privée pour personnes âgées ou retraités, qui est moins onéreux ? Un enfant peut-il en toute objectivité prendre la décision qui s’impose, quand une option pourrait fort bien amputer son héritage ? De plus, si l’enfant n’aime pas gérer ses propres finances, devrait-il administrer celles de son parent ?

Il n’est pas facile de porter un regard critique sur les membres de sa famille, mais il importe que l’aîné comprenne entièrement sa relation avec le mandataire en vertu d’une procuration et la relation que cette personne entretient avec d’autres. Mme Krueger a été témoin de nombreux cas où les enfants étaient en désaccord quant à ce qui était dans l’intérêt du parent. Des familles commettent parfois des erreurs du seul fait que la fratrie ne vit pas dans la même ville et que certains membres ne sont pas là en personne.

Vous devez avoir un regard réaliste sur votre situation familiale. Il faut donc viser l’objectivité lorsqu’on doit prendre des décisions qui pourraient avoir une incidence sur de nombreuses personnes et sur des membres de la famille élargie. C’est alors qu’un professionnel de confiance peut vous offrir la clarté et l’indépendance nécessaires pour faire le meilleur choix pour l’aîné. Mme Krueger recommande trois critères pour sélectionner un particulier qui agira comme mandataire en vertu d’une procuration financière. Le mandataire doit être digne de confiance, vivre dans la même région et, surtout, avoir à cœur l’intérêt de la personne âgée. Mme Krueger croit que le meilleur moyen d’atténuer les disputes ou les tensions familiales est de nommer un conseiller juridique, qui peut notamment effectuer le suivi des dépenses, de la répartition de l’actif et des distributions aux membres de la famille. Un tel conseiller ne se laisse pas influencer par l’avis des autres et il est tenu de respecter des normes très élevées.

Les personnes âgées peuvent vouloir indiquer à leur mandataire où affecter leur argent. À titre d’exemple, si le grand-parent veut payer les études d’un petit-enfant, il doit clairement exprimer son souhait et le faire consigner.

Renseignez-vous sur toutes les options et informez-en vos proches

Dernier point, mais pas le moindre, il est essentiel de se renseigner. « Les boomers et les aînés qui s’approchent de la retraite ou qui l’ont prise doivent avoir une bonne idée de leurs objectifs financiers, de leurs sources de revenus, de la façon de gérer leurs finances actuelles et des signes d’exploitation financière potentielle », précise David Agnew, chef de la direction, RBC Gestion de patrimoine – Canada.

L’exploitation financière des aînés ne disparaîtra pas de sitôt. Les gens peuvent cependant se protéger et protéger leurs proches en restant vigilants et en s’informant, de même qu’en sachant qu’il n’est pas rare qu’une situation tourne mal ou qu’une personne devienne mal intentionnée. Il est difficile de croire que quelqu’un qu’on aime et en qui on a confiance pourrait faire cela. Mais c’est parfois malheureusement le cas.

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.

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