La délicate étape du mitan de la vie : démystifier les mythes liés à l’argent à la quarantaine
Publié le 23 mars 2023 • 11 min de lecture
Ce mois-ci, nous célébrons à la fois la Journée internationale des femmes et le Mois de l’histoire des femmes. Dans son nouvel ouvrage intitulé Navigating the Messy Middle: A Fiercely Honest and Wildly Encouraging Guide for Midlife Women, l’auteure Ann Douglas soumet l’idée selon laquelle la quarantaine « nécessite que l’on fasse preuve d’une imagination radicale : de la volonté de se proposer des trames narratives nouvelles et plus intéressantes au sujet de nos vies ». Nous avons demandé à Ann ce que les femmes avaient à dire au sujet de l’argent, ce qu’elles pensaient de leur vie sur le plan financier et ce que signifiait pour elles le fait de bien vivre dans la quarantaine.
Investisseur inspiré : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’aspect de la conjoncture actuelle qui vous a incitée à écrire votre ouvrage ?
Ann Douglas (Ann) : Les dernières années ont été particulièrement difficiles. Nous avons traversé une série de crises interreliées touchant le changement climatique, des bouleversements politiques et sociaux, des changements économiques et, bien évidemment, une pandémie mondiale.
J’ai écrit ce livre afin d’offrir de l’encouragement et de valider ce que les femmes dans la quarantaine pensent et ressentent actuellement au sujet de cette étape de leur vie. Cependant, par-dessus tout, je souhaitais offrir une alternative aux messages culturels qui disent aux femmes comme moi que la quarantaine est soit parfaitement magique, soit parfaitement misérable, alors qu’en fait la vérité se situe quelque part entre ces deux extrêmes, qui représente la délicate étape du mitan de la vie.
Investisseur inspiré : Pour réaliser votre livre, vous avez interrogé plus de 100 femmes sur un large éventail de sujets. À quelle fréquence le sujet des finances a-t-il été abordé ?
Ann : Étant donné que je n’ai pas moi-même explicitement posé de questions sur le sujet de l’argent, j’ai été surprise de la fréquence à laquelle les femmes que j’ai interrogées en ont parlé, notamment si l’on tient compte du tabou culturel bien ancré qui freine la transparence et l’honnêteté en matière de finances personnelles. Le fait qu’un si grand nombre d’entre elles aient d’elles-mêmes abordé le sujet de l’argent montre à quel point elles se sentaient anxieuses lorsqu’elles réfléchissaient à l’avenir de leur situation financière. Plusieurs d’entre elles se retrouvent à soulever sans cesse la même question inquiétante qui est la suivante : « Cela suffira-t-il, en vérité ? »
Investisseur inspiré : Vous exposez un certain nombre de mythes usuels au sujet de la quarantaine. Parlons de quelques-uns d’entre eux.
Mythe : Vous devriez vous attendre à avoir réglé votre situation financière pour le reste de votre vie – la majorité des femmes dans la quarantaine sont en mesure de se gâter en s’offrant d’innombrables voyages de luxe et/ou en disposant de temps qu’elles peuvent consacrer à elles-mêmes, et ce, pratiquement sans fin.
Investisseur inspiré : Lorsque de nombreuses femmes atteignent l’âge de la quarantaine et que cette vision ne témoigne pas de leur réalité, quel effet cela a-t-il sur elles ?
Ann : Certaines d’entre elles éprouvent de la colère, en estimant qu’on leur a menti en laissant miroiter un style de vie rêvée qui ne peut devenir réalité que pour de rares privilégiées. D’autres adoptent plutôt une attitude qui les incite à se blâmer, en estimant qu’elles doivent avoir commis de nombreuses erreurs en cours de route lorsqu’en fait elles se sont simplement heurtées à des facteurs structurels. D’autres encore s’emploient à trouver du plaisir et de la satisfaction en faisant abstraction du mythe selon lequel les voyages et les onéreux séjours au spa constituent l’étalon d’une vie vécue pleinement.
Une femme d’affaires de 48 ans m’a dit ceci : « J’ai appris à accepter qui je suis. Pendant si longtemps, je me suis efforcée de faire passer ma véritable nature en arrière-plan pour répondre aux souhaits des autres. Je reconnais ne pas plaire à tout le monde et il m’a fallu pratiquement 50 ans pour prendre conscience du fait que cela ne causait pas véritablement de problème. » Peut-être son parcours témoigne-t-il de ce que devrait véritablement être le « temps que l’on consacre à soi-même ».
Mythe : Votre expérience de la quarantaine sera similaire à celle de vos parents ou de vos grands-parents, alors qu’en fait d’importantes différences entre les générations doivent être prises en considération.
Investisseur inspiré : Sur le sujet de la vie financière des femmes, qu’avez-vous appris sur ce changement de génération et sur la façon dont il s’applique aux femmes qui s’emploient à façonner l’avenir qu’elles souhaitent ?
Ann : Bien que toutes ces femmes ne jouissent pas d’une assise financière solide, les femmes qui en sont aujourd’hui à l’étape de la quarantaine sont plus susceptibles d’avoir eu des emplois à temps plein à l’extérieur du domicile que ce n’était le cas de leur mère ou de leur grand-mère.
Un article de 2021 publié dans la revue American Psychologist mettait en garde contre l’incidence des pressions financières croissantes, du resserrement du filet de sécurité sociale et des difficultés accrues sur le plan de la santé mentale et physique. Pour dire les choses simplement : cette expérience de la quarantaine n’est pas celle qu’ont connue vos parents ou vos grands-parents. En vérité, les choses sont beaucoup plus compliquées. Cependant, l’une des choses que de nombreuses femmes m’ont soulignées est que la quarantaine nous enseigne que « nous pouvons accomplir des choses difficiles ». En repensant à certaines des expériences difficiles qu’elles ont connues dans leur passé, plusieurs femmes m’ont indiqué qu’elles sont en mesure d’envisager l’avenir en ayant plus confiance en elles, en sachant qu’elles sont mieux équipées pour faire face à ce que leur réserve la vie au cours des décennies à venir qu’elles auraient pu l’être lorsqu’elles étaient plus jeunes.
Mythe : La quarantaine consiste à réinventer intégralement votre vie de manière fondamentale (et onéreuse) et, si vous ne réduisez pas tout en poussière, vous passez en quelque sorte à côté de l’expérience que représente la quarantaine.
Investisseur inspiré : Lorsque de nombreuses femmes s’affairent à jongler avec les impératifs combinés que représentent le travail, la maison, des parents âgés, les enfants et plus encore, l’idée qui consiste à « trouver une passion » peut en vérité ne constituer qu’une autre pression qui vient s’ajouter à une liste déjà longue. Sur quoi les femmes dans la quarantaine mettent-elles véritablement l’accent ?
Ann : La plupart des femmes que j’ai interrogées jonglent avec de nombreux rôles et responsabilités tout en s’efforçant de penser à ce qu’elles souhaitent véritablement pour elles-mêmes. Voici une chose intéressante que j’ai apprise. Notre perception du temps bascule lorsque nous arrivons à la quarantaine. Plutôt que de mettre l’accent sur le nombre d’années que nous avons vécues, nous commençons à penser au nombre d’années qui restent. Et la question devient dès lors la suivante : « Qu’est-ce que je souhaite faire de ce temps ? »
Cette prise de conscience peut être incroyablement édifiante pour les femmes dans la quarantaine. En effet, ce nouveau sentiment d’urgence peut les inciter à mettre l’accent sur ce qui compte le plus pour elles. Ces choses n’ont pas à être onéreuses, à prendre du temps ou à être fondamentalement bouleversantes. Il peut s’agir de choses aussi simples que d’oser prendre conscience de ce qu’elles veulent véritablement et de commencer à trouver des façons de faire en sorte que leur vie laisse une plus large place à ce genre d’éléments positifs, tant aujourd’hui que demain. Sur le plan financier, cela signifie qu’il convient de tirer parti des ressources disponibles de manière intentionnelle et de faire la sourde oreille au bruit persistant concernant les croisières ou le golf.
Mythe : Le fait d’arriver à la quarantaine signifie que vous avez depuis déjà fort longtemps atteint votre « date de péremption » et vous serez dorénavant sur la pente descendante, que ce soit sur le plan physique ou mental, en ce qui concerne vos relations et la qualité de vie.
Investisseur inspiré : Voilà qui constitue un mythe tenace. Que disent les femmes d’aujourd’hui à propos de la façon qui s’offre à elles de trouver le bonheur dans la quarantaine ?
Ann : Plusieurs des femmes que j’ai interrogées m’ont dit que le chemin menant au bonheur, à la quarantaine, s’articulait autour de la connaissance de soi, de l’acceptation de soi et de l’amour de soi. La clé consiste à comprendre la personne que vous avez été, à célébrer la personne que vous êtes et à aimer la personne que vous êtes en voie de devenir. La question consiste à comprendre que la seule constante dans la vie est le changement, et que le changement n’est pas nécessairement quelque chose qu’il y a lieu de redouter. Le changement peut également être quelque chose d’absolument magnifique.
Mythe : Vous n’avez d’autre choix que de vous sentir dévastée lorsque vos enfants quittent la maison et vous serez contrainte de passer le reste de votre vie à languir dans un soi-disant « nid vide ».
Investisseur inspiré : Pour ceux d’entre nous qui sommes parents, le phénomène du nid vide a-t-il tendance à avoir un effet positif ou négatif sur la façon dont les femmes entrevoient leur vie financière ? Ce phénomène offre-t-il une certaine mesure d’allègement sur le plan financier ?
Ann : Pas toujours, malheureusement. Bien évidemment, vous n’avez pas besoin de remplir le réfrigérateur d’autant d’aliments si vos jeunes enfants adultes ne vivent plus désormais sous le même toit que vous, bien que cela ne signifie pas nécessairement que vous soyez désormais plus libre sur le plan financier. Comme je le souligne dans mon livre, alors que la période de l’adolescence était celle qui nécessitait autrefois les investissements financiers les plus importants de la part des parents, la situation a changé au cours des dernières décennies. En effet, les parents sont les plus susceptibles de ressentir la plus grande pression financière à deux moments distincts du cycle de vie parental, soit lorsque leurs enfants sont très jeunes (qu’ils ont moins de six ans) et pendant les années au cours desquelles ils entreprennent de devenir adultes. Certains chercheurs laissent même entrevoir que plus du tiers des coûts financiers associés à la parentalité sont désormais encourus dans les années qui suivent le 18e anniversaire de naissance des enfants !
Cependant, lorsque les enfants entreprennent de devenir financièrement indépendants et que les parents n’ont plus à assumer les frais de leurs dépenses quotidiennes, cela peut conférer à ces derniers un peu de marge de manœuvre financière (en plus de réduire les files d’attente menant à la salle de bain !). S’offre aussi alors l’occasion d’être le genre de famille où se tiennent des conversations franches et honnêtes sur l’argent, afin de briser le silence qui peut mener à tant d’anxiété et de culpabilité inutiles.
Mythe : Il existe quelque chose qui ressemblerait même vaguement à une expérience de la quarantaine généralisée assortie d’un début, d’un milieu et d’une fin prévisibles.
Investisseur inspiré : Nous sommes tous uniques. Les entrevues que l’on retrouve dans votre livre mettent en scène des femmes qui présentent des antécédents et des expériences très variés. Un certain nombre de thèmes universels se sont-ils profilés, malgré l’ensemble de ces différences ?
Ann : Un certain nombre de thèmes clés me viennent à l’esprit. Le fait que la quarantaine peut être une période d’apprentissage et de croissance exceptionnelle ainsi qu’une période qui permet de mieux se connaître et de mieux s’accepter. Le fait que les femmes dans la quarantaine ont énormément à contribuer, du fait de nos décennies d’expérience de vie et que la société serait bien avisée de nous traiter comme une puissante ressource. Enfin, le fait que les relations sont absolument essentielles, alors que nous traversons ce chapitre intermédiaire délicat de nos vies.
Il est important de chercher des occasions de nouer des amitiés avec d’autres femmes de diverses générations. En tant que femmes d’âge mûr, nous pouvons parcourir le reste de notre vie « avec un bras tendu vers ceux qui sont plus âgés que nous, l’autre bras étant dirigé vers l’arrière, vers ceux qui suivront nos traces », pour citer l’expression de Molly Andrews, psychologue narrative. Jamais l’idée fut-elle que nous soyons appelées à parcourir cette étape de la vie, voire n’importe quelle étape de la vie, par nous-mêmes.
Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.
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