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Les taux d’intérêt augmente, l’inflation ralentit. Alors pourquoi les prix sont-ils encore si élevés ?

Par l'équipe Investisseur inspiré

Publié le 29 août 2023 • 8 min de lecture

L’inflation a sensiblement ralenti, mais les choses ne se sont pas vraiment améliorées à la caisse enregistreuse. Les prix (des aliments, des loyers, etc.) continuent d’augmenter, mais à un rythme plus lent. Pour leur part, les banques centrales ont pris soin de ne pas crier victoire face à une inflation tenace, et beaucoup d’entre elles ont promis d’intervenir à nouveau si l’inflation repartait à la hausse.

La Banque du Canada a décrété dix hausses des taux d’intérêt depuis mars 2022, dans le cadre d’une campagne mondiale menée par les banques centrales occidentales pour juguler l’inflation.

Alors pourquoi les vagues successives de hausses de taux n’ont-elles pas ramené l’inflation à sa cible d’environ 2 %, niveau auquel les taux d’inflation paraissent beaucoup plus prévisibles ? En bref, selon les économistes, les facteurs qui font grimper l’inflation échappent souvent au contrôle des banques centrales.

Voici un survol de certains de ces facteurs.

Les hausses de taux d’intérêt ne produisent pas un effet immédiat

Des taux d’intérêt élevés signifient qu’il en coûte plus cher aux particuliers et aux entreprises pour emprunter. Les consommateurs peuvent en ressentir les effets assez rapidement (pensez aux versements liés à un prêt-auto ou à un emprunt hypothécaire). Mais il est important de souligner que les effets des décisions en matière de taux d’intérêt se font sentir avec un décalage, dans l’ensemble. En général, les économistes s’attendent à ce qu’il faille environ de 12 à 18 mois pour que les effets des efforts des banques centrales se répercutent sur l’économie.

À l’instar d’un robinet, une banque centrale a pour fonction de veiller à maintenir le bon niveau de masse monétaire (ni trop, ni moins) afin de faire prospérer l’économie à un rythme prévisible. Les banques centrales augmentent les taux pour accroître les coûts d’emprunt dans l’espoir de ralentir l’économie. En revanche, elles peuvent abaisser les taux pour réduire les coûts de la dette et stimuler la croissance économique.

Lorsque les banques centrales prennent des décisions en matière de taux d’intérêt, ce ne sont pas tous les secteurs qui sont touchés de la même manière.

« Les biens et services discrétionnaires sont les plus sensibles aux décisions relatives aux taux d’intérêt », affirme Carrie Freestone, économiste de RBC. Le marché du logement est aussi sensible aux taux, car une hausse des coûts d’emprunt tend à ralentir la demande, bien que les prix des logements dans de nombreuses villes canadiennes se soient maintenus au cours des derniers mois, en partie à cause de l’offre limitée (mais ça, c’est une autre histoire!).

Selon Mme Freestone, la hausse des taux d’intérêt et des prix n’a pas encore sensiblement freiné les dépenses.

« En raison des confinements liés à la pandémie, la demande accumulée pour les services discrétionnaires reste à des niveaux exceptionnels, ce qui signifie qu’elle a été un peu à l’abri de la hausse des taux cette fois-ci. De nombreux Canadiens semblent prêts à payer un peu plus pour les voyages et les repas au restaurant », dit-elle.

La population canadienne vieillit

Lorsque le nombre des jeunes travailleurs n’est pas suffisant pour remplacer les retraités, c’est une mauvaise nouvelle au chapitre de l’inflation.

La population mondiale vieillit, et vite. D’ici 2050, une personne sur quatre dans le monde aura 65 ans ou plus, selon les données des Nations Unies1 . Par ailleurs, les taux de natalité ont fléchi dans de nombreuses économies avancées, y compris au Canada.

« Dans certains secteurs comme les métiers spécialisés, le quart de la population active devrait prendre sa retraite au cours de la prochaine décennie », déclare Mme Freestone, qui ajoute que le vieillissement de la main-d’œuvre a un effet inflationniste. Pourquoi? Parce qu’à mesure que la main-d’œuvre diminuera, les employeurs devront payer plus, ce qui fera augmenter les salaires. Les pénuries de main-d’œuvre pourraient aussi entraver la production, entraînant un renchérissement des biens.

« Si les pénuries de main-d’œuvre donnent lieu à une croissance structurelle plus élevée des salaires, nous aurons besoin d’un contrepoids. Sinon, la demande sera supérieure à l’offre et l’inflation reviendra », explique Mme Freestone.

Les dépenses publiques peuvent ne pas être en phase avec les taux d’intérêt

Les décisions des gouvernements en matière de dépenses et d’imposition – collectivement appelées « politique budgétaire » – contribuent aussi à déterminer combien d’argent circule au sein de l’économie.

Par exemple, les programmes publics de soutien du revenu durant la pandémie ont eu pour effet d’accroître l’épargne des ménages, de sorte que les gens ont pu continuer à dépenser.

Selon un document de travail de 2023 de la Banque du Canada, les dépenses publiques peuvent alimenter l’inflation tout autant que des marchés de l’emploi tendus.

Mme Freestone abonde dans ce sens. « La hausse des dépenses publiques fait que les consommateurs ont plus d’argent à dépenser », dit-elle, ajoutant que la politique budgétaire devrait idéalement aller dans la même direction que la politique monétaire.

« Si le gouvernement fédéral injecte des liquidités excédentaires dans l’économie au moment où la Banque du Canada relève les taux d’intérêt, les liquidités excédentaires peuvent amoindrir l’incidence de chaque hausse de taux, explique-t-elle. En fin de compte, les Canadiens dépenseront l’argent supplémentaire qu’ils reçoivent, de sorte que les liquidités excédentaires alimenteront la demande (et, par conséquent, l’inflation). »

Les coûts de logement représentent une large part de l’inflation

En théorie, les banques centrales relèvent les taux d’intérêt pour juguler l’inflation, en augmentant les coûts d’emprunt. En fait, la réalité est plus complexe.

Selon Mme Freestone, les frais de logement (emprunt hypothécaire, loyer, etc.) représentent 28 % de l’indice des prix à la consommation (IPC) utilisé par les économistes pour calculer l’inflation. Dans le contexte de relèvement des taux, les frais hypothécaires ont bondi de 30 % par rapport à l’an dernier en juillet 20232 , comme le montrent les données des Services économiques RBC, ce qui représente environ le tiers de la croissance de l’inflation globale en glissement annuel.

Qu’est-ce que cela nous apprend ? Si le relèvement des taux d’intérêt a pu ralentir la hausse des prix, par exemple, sur votre facture d’épicerie, l’augmentation des frais de logement qui en a résulté a contrebalancé en partie ce progrès, rendant l’inflation encore plus tenace.

Un monde interconnecté

Les causes de l’inflation élevée ne se limitent pas aux frontières du Canada. Les événements macroéconomiques, y compris politiques, peuvent gâcher les efforts de la Banque du Canada.

Par exemple, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un important exportateur de produits alimentaires, a entraîné des pénuries de céréales qui ont fait grimper les prix du pain et d’autres produits. Selon une estimation3 de la Réserve fédérale américaine, la guerre aurait fait augmenter l’inflation mondiale de 1,3 % en 2022. Et lorsque des milliers de travailleurs portuaires ont fait la grève en Colombie-Britannique en juillet, on a craint une flambée de l’inflation à cause du débrayage en raison des préoccupations concernant les perturbations de la chaîne logistique.

Il faut le reconnaître, combattre l’inflation est difficile

Pour la Banque du Canada, les taux d’intérêt représentent un puissant outil de lutte contre l’inflation, mais compte tenu de ce qui précède, ils ne constituent pas une baguette magique qui fera disparaître une inflation galopante. Il faut des efforts assidus, la prise de décisions judicieuses, un timing irréprochable et (comme tout économiste vous le dira) beaucoup de chance pour faire redescendre l’inflation de ses sommets inégalés depuis des décennies sans déclencher une profonde récession. Cela représente assurément beaucoup de choses à prendre en compte. Pour l’instant, tout ce que nous pouvons faire, c’est attendre de voir ce que fera la Banque du Canada. Consultez le site rbc.com/economie pour obtenir des mises à jour périodiques.

Sources :

1 World Population Prospects 2022, Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, 2022.

2 Understanding Inflation Dynamics: The Role of Government Expenditures, Banque du Canada, juin 2023.

3 The Effect of the War in Ukraine on Global Activity and Inflation, Réserve fédérale américaine, mai 2022.

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Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.

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