Publié le 24 août 2021 • 8 min de lecture
L’entrepreneuriat autochtone ne date pas d’hier.
« Beaucoup de gens semblent oublier que des économies autochtones prospéraient bien avant l’arrivée des Européens en Amérique, explique Dale Sturges, directeur général national, Services financiers aux Autochtones, RBC. La période postcoloniale nous a amenés à croire qu’il n’existe pas de véritable économie autochtone. C’est complètement faux. »
L’état (pré-COVID) de l’entrepreneuriat autochtone au Canada
Le nombre d’entrepreneurs autochtones croît cinq fois plus vite que le nombre de travailleurs autonomes canadiens, et les femmes autochtones lancent deux fois plus d’entreprises que les femmes non autochtones. Les autochtones forment le segment de la population qui croît le plus rapidement. De plus, comme on prévoit que leur économie connaîtra une croissance considérable, l’entrepreneuriat autochtone continuera de jouer un rôle déterminant dans la stabilité à long terme de l’économie canadienne.
« Les entreprises autochtones contribuent davantage à l’économie canadienne que l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve combinées », précise Dale Sturges. On prévoit que leur valeur passera de 30 milliards de dollars actuellement à 100 milliards de dollars d’ici 2025.
Pendant de nombreuses années, le développement des entreprises autochtones a été axé sur les débouchés locaux commerce de détail, stations-service, entreprises de construction. Aujourd’hui, on compte des entreprises autochtones dans les mines, le transport, l’aviation, les services professionnels, l’immobilier, et bien d’autres secteurs. La nature des entreprises dépend souvent de la géographie et des ressources naturelles de la province ou du territoire. Par exemple, le secteur de la pêche est dominant dans l’Est, alors que les secteurs pétrolier et gazier sont florissants dans les provinces riches en énergie. Dans l’Ouest, on compte beaucoup d’entreprises dans le secteur des jeux. Peu importe leur domaine d’activité, les entreprises autochtones possèdent des milliards de dollars en actifs investissables, et les petites entreprises croissent en nombre et en rentabilité.
« Avant la pandémie de COVID-19, la situation de l’entrepreneuriat autochtone était plutôt bonne », souligne Dale Sturges.
L’impact de l’économie autochtone
Outre sa contribution à l’économie canadienne, l’entrepreneuriat autochtone est important de bien des façons.
Important pour les collectivités autochtones :
Fondamentalement, les entreprises autochtones fournissent les biens et services nécessaires aux collectivités locales. Mais elles créent aussi des emplois pour les populations locales. Une étude récente laisse entendre que près de quatre PME autochtones sur dix emploient au moins un autochtone.
Scott Patles-Richardson, président du Conseil et principal actionnaire du Nations Translation Group, a pour objectif de quadrupler le bénéfice de son entreprise, qui est de propriété 100 % autochtone.
M. Patles-Richardson souligne que la mission de son entreprise comporte trois volets essentiels, à part le profit. « Nous créons des emplois et des occasions de sous-traitance pour les citoyens autochtones, explique-t-il. Nous respectons aussi l’environnement, et nous nous assurons d’être de bons citoyens en investissant dans le développement social autochtone. Nous offrons des occasions de mentorat, et nous investissons dans des initiatives sociales comme des bourses d’études autochtones et du soutien aux sports pour les jeunes. »
Dale Sturges ajoute : « Les entreprises autochtones qui ont du succès permettent à nos collectivités de passer de la gestion de la pauvreté à la gestion de la richesse. »
Important pour les femmes autochtones :
Le travail autonome permet aux femmes autochtones de gagner en indépendance financière et en stabilité. Les femmes autochtones voient l’entrepreneuriat comme un moyen de rehausser le niveau de vie de leur famille et d’améliorer la situation socio-économique de leur collectivité. La possibilité qu’ont les entrepreneurs de gérer leur horaire constitue aussi un avantage considérable, car cela facilite l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie de famille.
Important pour la réconciliation :
« La réconciliation est l’un des plus importants mouvements sociaux de notre époque, affirme Dale Sturges. Elle a pour objectif de redéfinir la relation entre les nations autochtones et le Canada qui doit être axée sur un partenariat véritable, sur l’égalité et sur le respect , afin que nous puissions envisager l’avenir sur des bases positives. »
En 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a publié son rapport final, qui contient 94 appels à l’action en vue de parfaire la réconciliation entre les Canadiens et les peuples autochtones. La réconciliation économique, qui est un volet essentiel du mouvement, appelle le milieu des affaires du Canada à collaborer avec les peuples autochtones afin que ceux-ci puissent occuper la place qui leur revient dans l’économie.
Le succès des entreprises autochtones force le secteur à remarquer et à respecter leur rôle important dans le développement du Canada. « Les entreprises autochtones devraient jouer un rôle considérable dans la reprise économique au Canada, mais cela ne pourra se concrétiser que si le Canada travaille en partenariat avec les nations autochtones en vue d’opérer une totale réconciliation économique », conclut Dale Sturges.
Important pour le Canada :
Enfin, il y a bien sûr la contribution à l’économie globale du Canada. En raison de leur croissance économique et démographique, les entrepreneurs autochtones représentent véritablement l’un des marchés internes émergents du Canada. Alors que le pays entre en récession, il devient essentiel de déterminer les sources de la prochaine croissance économique.
Surmonter les obstacles
Même si l’entrepreneuriat prospère chez les autochtones, il reste encore de nombreux obstacles à surmonter. Les obstacles à la croissance sont entre autres la petite taille des marchés, l’isolement géographique et le manque d’infrastructure. Par exemple, le coût élevé du transport et de l’électricité ainsi que la faiblesse (ou l’inexistence) du réseau Internet sont des facteurs qui ont un impact majeur sur les entreprises situées dans les réserves ou dans les collectivités éloignées du Nord.
Il est également difficile d’attirer des employés qualifiés, en particulier dans les régions isolées. « Certaines collectivités du Nordont plus de mal à trouver des travailleurs spécialisés, et elles doivent donc recruter à l’extérieur. Dans les régions isolées, c’est plus coûteux qu’ailleurs », explique Scott Patles-Richardson. L’homme d’affaires souligne également la difficulté que représente l’absence de réseau de pairs établi. « Beaucoup d’entreprises et d’entrepreneurs autochtones ont un accès limité à des mentors ou à des groupes de pairs, et ce manque de soutien peut les freiner dans leur développement. »
De leur côté, les femmes d’affaires sont désavantagées par l’absence de réseau de soutien et de programmes de formation conçus pour elles. Les modèles et les mentors féminins sont rares.
Le plus grand obstacle pour les entrepreneurs est souvent l’accès au capital. Et c’est particulièrement le cas pour les Premières Nations, car elles sont assujetties à la Loi sur les Indiens, qui ne leur donne pas la pleine autorité sur leurs terres, leurs ressources et leurs avoirs. Cela complique particulièrement la fourniture des garanties que les banques exigent lors d’un emprunt.
Sans accès au capital, les nombreuses jeunes pousses autochtones ont beaucoup de mal à soutenir leur croissance et à assurer leur pérennité.
Les effets de la COVID-19
S’ajoute à ces obstacles l’impact économique dévastateur de la COVID-19. En plus des difficultés que connaissent toutes les entreprises, les entreprises autochtones doivent surmonter des obstacles particuliers. Par exemple, les entreprises situées dans une réserve à proximité d’une zone urbaine comptent sur la clientèle extérieure qui visite la réserve. Comme de nombreuses réserves ont dû restreindre l’accès aux étrangers en raison de la pandémie, la clientèle des entreprises situées dans une réserve a presque totalement disparu.
Heureusement, le gouvernement fédéral a créé une structure de financement distincte qui permet aux entrepreneurs autochtones d’obtenir des prêts de secours plus généreux par l’entremise des institutions financières autochtones. Par l’entremise de l’Association nationale des sociétés autochtones de financement (ANSAF), le gouvernement a mis 305 millions de dollars de capital de prêt à la disposition de ces propriétaires d’entreprise.
De plus, le concours Pow Wow Pitch présenté par RBC une compétition de type « Dans l’œil du dragon » à l’intention des propriétaires d’entreprise autochtones a lieu en ligne cette année, ce qui le rend accessible partout au pays. Le concours donne accès à des occasions de mentorat ainsi qu’à du financement de démarrage permettant le lancement de nouvelles entreprises.
Malgré les obstacles auxquels ils doivent faire face, les propriétaires d’entreprise autochtones se montrent collectivement convaincus que l’avenir leur réserve de bonnes occasions. En sensibilisant le milieu des affaires aux obstacles que doivent surmonter les entreprises autochtones, ainsi qu’aux impacts positifs de ces entreprises sur l’économie du pays, on devrait contribuer à leur succès et à leur viabilité à long terme.
Tous ont intérêt à retenir que la prospérité des autochtones contribue à la prospérité du Canada.
Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.
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