Publié le mai 10, 2024 • 9 min de lecture
Le secteur agricole est depuis longtemps confronté à une pénurie de main-d’œuvre – et cette tendance ne fait que s’accentuer.
Les baby-boomers ont longtemps formé la partie la plus importante de la population active. Et aujourd’hui, au Canada, on estime que 5 000 d’entre eux prennent toutes les semaines leur retraite. Plus de 50 % de la main-d’œuvre actuelle n’occupe pas un emploi traditionnel de 40 heures par semaine, et le travail à distance et hybride est de plus en plus répandu. Il n’est donc pas étonnant qu’il soit difficile de trouver des employés.
Le secteur agricole est depuis longtemps confronté à une pénurie de main-d’œuvre – pénurie attribuable en grande partie aux aspects singuliers et parfois exigeants propres au travail – et cette tendance ne fait que s’accentuer, estime Jennifer Wright, directrice générale du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture (CCRHA).
Elle souligne plusieurs facteurs convergents qui s’ajoutent aux défis auxquels est confronté le secteur agricole, s’agissant d’attirer et de conserver les talents. « La pénurie de main-d’œuvre s’est vraiment accentuée et il est encore plus difficile de trouver des travailleurs pour tous les niveaux d’emploi, de dire Jennifer Wright. Moins de jeunes entrent sur le marché du travail agricole et moins de gens vivent dans les communautés rurales, ce qui rend très délicat le recrutement de talents dans un secteur largement rural. »
Jennifer Wright a passé plus de 20 ans dans le domaine du recrutement et des ressources humaines (RH), ces 10 dernières années auprès du CCRHA et à titre de directrice générale depuis 2021.
Le CCRHA est un organisme sans but lucratif national qui s’emploie à résoudre les problèmes liés aux ressources humaines auxquels est confronté le secteur agricole à travers le Canada, des travailleurs agricoles aux entreprises et aux industries agricoles. Leur plan stratégique sur le milieu de travail rend compte de l’état de la main-d’œuvre agricole nationale et examine les stratégies qui permettraient de relever les défis actuels, en plus d’identifier de nouvelles approches et des occasions d’attirer des talents pour dynamiser le secteur agricole canadien.
Le visage changeant de l’agriculture
« L’une des choses que nous avons découvertes dans ce rapport concerne le travail qui s’impose pour rehausser le niveau de sensibilisation à l’égard de l’agriculture moderne – la technologie, l’innovation et le rôle très important et positif que joue l’agriculture à l’égard des solutions climatiques et de la durabilité », souligne Jennifer Wright.
Alors qu’elle tentait récemment d’évaluer la perception du secteur agricole et des carrières disponibles, Jennifer Wright a été surprise de constater que plus de 50 % des personnes interrogées n’étaient en mesure d’identifier que les agriculteurs lorsqu’elles étaient invitées à préciser quelles occupations l’on retrouvait dans le secteur agricole.
Jennifer Wright sait pertinemment que l’industrie a fort à faire pour présenter l’ensemble des occasions qui sont associées aux volets de l’alimentation, des carburants, des fibres et des fleurs qui composent la main-d’œuvre agricole diversifiée du Canada. Et le processus est engagé. Dans son rôle, elle observe un niveau accru de sensibilisation à l’égard de ce que l’agriculture moderne offre aux nouvelles recrues – soit les moyens technologiques déployés et les possibilités que laisse entrevoir l’intelligence artificielle. « Nous observons que de plus en plus de personnes issues de milieux non agricoles intègrent le secteur et y demeurent une fois ce pas franchi », dit-elle.
Le recrutement est un sport communautaire
Les tensions qui caractérisent le marché du travail amplifient la nécessité de disposer d’une solide infrastructure rurale pour aller de pair avec la nécessité d’attirer et de conserver une main-d’œuvre rurale. Pour qu’elles soient couronnées de succès, les activités de recrutement menées dans les zones rurales doivent tenir compte de considérations relatives au logement abordable, aux magasins d’alimentation, aux écoles, aux soins de santé, aux garderies et à la possibilité de compter sur une connexion Wi‑Fi fiable.
Lorsque Theresa Hardiker a assumé ses fonctions à titre de directrice générale de Verge Economic Development (en anglais) – partenariat conclu entre le comté de Forty Mile, la ville de Bow Island et le comté de Cypress, dans le sud-est de l’Alberta –, elle a constaté que sa région plutôt rurale et en grande partie agricole était confrontée à des enjeux similaires, s’agissant d’attirer de la main-d’œuvre dans la région.
L’évolution de la réalité démographique imposait une modification sur le plan des stratégies d’embauche et, pour Theresa Hardiker, cela signifiait qu’il convenait de faire évoluer le discours en ce qui concerne ce que signifie le fait de vivre et de travailler dans une zone rurale.
« Nous savons pertinemment que ce sont souvent les mesures de soutien au-delà de l’emploi en tant que tel qui constituent des obstacles sur le plan du recrutement, de dire Theresa Hardiker. C’est pourquoi nous avons étudié plus attentivement ce qu’il y aurait lieu de faire pour attirer de la main-d’œuvre dans notre région, et ce à quoi ressemblerait une communauté accueillante. »
Plusieurs idées et possibilités ont été révélées dans l’édition 2024 du rapport produit par Verge et intitulé « Building Agricultural Workforce Capacity » en ce qui concerne le renforcement du recrutement dans la région. « L’une des avenues intéressantes que nous avons identifiées consiste à modifier la trame narrative portant sur ce à quoi ressemblerait la vie après que l’on eut décidé de venir s’installer dans notre communauté rurale, souligne Theresa Hardiker. Je n’avais pas pris conscience de la mesure dans laquelle cela s’avérerait utile pour attirer des jeunes dans notre région afin qu’ils puissent combler une partie du vide sur le plan de l’emploi. »
Une campagne de marketing ciblée – baptisée « Come Farm » – qui a découlé du rapport sur la main-d’œuvre et qui ciblait un groupe démographique plus jeune semble faire une différence, selon les propos que recueille Theresa Hardiker auprès de la communauté. Comme elle le souligne : « J’ai entendu des entreprises me dire qu’elles reçoivent plus de candidatures et qu’elles parviennent à attirer un plus grand nombre de personnes possédant les qualifications appropriées pour combler les postes à pourvoir. Il se pourrait donc que nous observions un changement d’attitude. »
« L’élaboration de ce rapport et la mobilisation de l’ensemble de la communauté nous ont vraiment aidés à travailler ensemble et à aborder différemment la façon dont nous pourrions créer de meilleures occasions de travail dans notre région », ajoute Theresa Hardiker, qui cherche désormais à étendre sa portée géographique afin de recruter davantage de talents.
Les lois de l’attraction (et du maintien en poste)
Il n’existe pas de raccourci pour connaître du succès au chapitre du recrutement et, pour Jennifer Wright, il convient dans un premier temps de s’appuyer sur de solides pratiques en matière de RH. « La valeur et l’incidence sur les résultats de bonnes pratiques en matière de RH – notamment dans un marché du travail soumis à des tensions – sont très importantes. »
Le fait de consacrer le temps nécessaire d’entrée de jeu permet de connaître plus de succès, s’agissant d’attirer les personnes et les compétences dont vous avez besoin – et vous serez plus susceptible d’embaucher une personne qui saura à quoi s’attendre lorsqu’elle se présentera à son premier jour de travail.
Cela signifie qu’il faut être clair et réaliste, en commençant par élaborer une description de fonction qui témoigne de la nature du travail. « Nous savons pertinemment que les jeunes travailleurs recherchent un travail plus pertinent, qui a une raison d’être et un lien qui contribue à une solution climatique », souligne Jennifer Wright.
Leur main-d’œuvre n’ayant jamais encore accueilli un si grand nombre de générations différentes, Jennifer Wright et Theresa Hardiker insistent toutes les deux sur le fait que les employeurs doivent réaliser qu’ils embaucheront probablement des personnes venant d’horizons différents, ayant des idées et des points de vue différents (et accepter ce fait).
« Nous avons dressé des profils portant sur ce à quoi ressemble le fait de travailler en agriculture – ce qui s’avère nécessaire pour devenir agronome ou ce à quoi ressemble le travail agricole saisonnier – afin d’offrir une compréhension réaliste et raisonnable des types d’emploi disponibles », affirme Theresa Hardiker.
Le fait de présenter une image claire des possibilités de travail potentielles souligne l’importance de compter sur un processus de recrutement – et non seulement pour les grandes entreprises.
Comme le souligne Jennifer Wright : « Un plan de recrutement démontre à un employé potentiel que vous avez pris le temps de rédiger une description, de faire de la publicité et d’implanter un processus d’embauche accompagné d’une documentation appropriée. » Même les plus petites exploitations ou entreprises agricoles – notamment celles qui sont gérées par des familles – profitent de la mise en place d’une structure d’embauche pour les employés, et ce, encore plus à mesure que l’entreprise se développe, pour les fins de la planification de la relève et lorsque sont impliquées de multiples familles.
Le CCRHA propose une série complète de formations en ligne pour les entreprises agricoles, y compris les fermes de toutes tailles, de même qu’une boîte à outils en RH. Le CCRHA a également récemment créé une nouvelle communauté en ligne pour les RH dans le secteur agricole appelée CCRHA Connect – une communauté virtuelle gratuite qui permet de tisser des liens entre les employeurs du secteur agricole et d’autres qui ont des responsabilités en matière de RH.
Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.
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