L’avenir de la lutte contre la pollution par les plastiques : entretien avec David Katz, chef de la direction de Plastic Bank
Publié le décembre 8, 2023 • 7 min de lecture
Plastic Bank entend bien proposer une solution aux deux problèmes majeurs que sont la pollution par les plastiques et la pauvreté. Fondée par David Katz, l’entreprise s’est donné pour mission de réduire la quantité de plastique rejetée dans les océans tout en améliorant la vie des populations des régions littorales vulnérables. RBC a rencontré M. Katz pour en savoir plus sur l’histoire de Plastic Bank et l’interroger sur l’avenir de la lutte contre la pollution par les plastiques.
Les origines de Plastic Bank : des côtes de l’île de Vancouver à l’action internationale
Enfant, David Katz était déjà effaré de la quantité de déchets plastiques qui venait s’échouer sur les plages de l’île de Vancouver. Cette image de la pollution marine l’a profondément marqué au point de susciter chez lui la volonté de changer les choses en s’attaquant sérieusement à ce problème.
Née en 2013 de la détermination de M. Katz, Plastic Bank est une entreprise sociale dont la mission est double : lutter contre la pollution des océans par les plastiques et combattre la pauvreté.
Le modèle de Plastic Bank est simple : payer les gens pour les déchets de plastique qu’ils ramassent et lui apportent. Plastic Bank recycle ce plastique qui est transformé en matière première : le Social Plastic® ou « plastique social ». Une fois réinjectée dans la chaîne d’approvisionnement, cette matière première recyclée contribue à réduire la demande, et donc la production, de plastique vierge. Le plastique est donc utilisé plus longtemps, car intégré à la fabrication de nouveaux produits.
Le résultat ?
Des effets concrets sur le plan environnemental, social et économique que l’on doit à une idée simple, mais révolutionnaire.
L’entreprise a connu un succès remarquable en quelques années. Depuis son projet pilote en Alaska, Plastic Bank a empêché plus de 100 millions de kilogrammes de plastique de polluer les océans en créant plus de 550 sites de recyclage en Asie du Sud-Est, en Amérique latine et en Afrique.
« Plastic Bank est un catalyseur d’action collective et d’innovation qui contribue à faire du recyclage une force positive capable de faire sortir les populations marginalisées de la pauvreté tout en protégeant la planète, explique M. Katz. Nos prochaines initiatives viseront à élargir la portée du mouvement pour le rendre accessible à toutes les personnes qui souhaitent participer à la transition vers une économie régénérative et circulaire. »
L’avenir de la lutte contre la pollution par les plastiques et de la circularité des matières plastique
Interrogé sur les perspectives concernant l’utilisation et le recyclage du plastique, le chef de l’entreprise affirme qu’un changement de cap est en train de s’opérer : on s’éloigne de l’idée de durabilité environnementale (produire du plastique sans nuire à l’environnement) pour tendre vers la régénération, c’est-à-dire produire du plastique de façon à « réparer » l’environnement.
« Imaginez une économie dans laquelle les transactions restaurent la planète, dit-il. On parle de plus en plus de consommation régénérative, qui s’inscrit dans un modèle commercial et économique fonctionnant dans l’intérêt de tous. »
Selon David Katz, la difficulté ne réside pas dans l’élimination du plastique, mais dans la modification de notre rapport à ce matériau qui a tant amélioré notre vie et stimulé l’innovation.
« Ce n’est pas le matériau en soi, mais bien la manière dont nous l’utilisons et le traitons comme déchet qui exige un changement drastique, affirme-t-il. En reconnaissant la valeur du plastique en tant que ressource, nous reconnaissons aussi l’importance de le consommer et de le recycler de manière responsable. »
Avec son immense littoral et ses ressources en eau douce considérables, le Canada est tout particulièrement concerné par le problème de la pollution par les plastiques et prend des mesures pour s’y attaquer.
Dans son budget de 2022, le Canada s’est engagé à investir 183,1 millions de dollars sur cinq ans pour réduire les déchets plastiques et favoriser la circularité de ce matériau au moyen de mesures réglementaires et de recherche scientifique. Le pays s’est aussi doté d’un Programme zéro déchet de plastique prévoyant des objectifs, des normes et une réglementation destinés à « garder le plastique dans l’économie et hors de l’environnement ».
Ces actions gouvernementales exercent une pression croissante sur les entreprises canadiennes afin qu’elles adoptent une approche plus économe en ressources dans leur gestion du plastique. Il s’agit notamment de trouver des solutions de rechange au plastique à usage unique, de réduire les déchets plastiques et de ratifier la Charte sur les plastiques dans les océans.
David Katz est convaincu que les gouvernements partout dans le monde vont continuer de mettre en place des politiques et de légiférer sur l’utilisation du plastique. Il relève par ailleurs que les lois intégrant la notion de responsabilité élargie des producteurs (REP) gagnent du terrain partout dans le monde. Ces lois font légalement peser sur les entreprises la charge de l’ensemble du cycle de vie de leurs produits, de la fabrication à la commercialisation et à la gestion des déchets. En taxant les produits en fonction de leur degré de recyclabilité et du volume de déchets généré, les lois REP responsabilisent les entreprises quant au cycle de vie de leurs produits. A
« L’objectif premier est de réduire massivement les déchets et la pollution pour tendre vers une économie circulaire du plastique, explique David Katz. Le principe de responsabilité élargie des producteurs modifie profondément la manière dont les entreprises gèrent leurs déchets. L’adoption de lois en ce sens encouragera le secteur privé à gérer activement leur incidence environnementale. »
Selon lui, l’adoption de pratiques écologiquement viables à l’égard du plastique ne se fera pas du jour au lendemain, notamment en raison des infrastructures.
« De nombreuses régions sont dépourvues d’infrastructures de recyclage et de traitement des déchets de plastique, affirme-t-il. Les organisations doivent mettre en place leurs propres infrastructures ou participer aux projets en cours pour que l’on puisse recycler le plastique aussi largement que possible. »
Selon M. Katz, les entreprises auraient aussi intérêt à conjuguer leurs efforts.
« Il est essentiel de s’associer avec des entreprises partageant les mêmes idées, affirme l’entrepreneur. Les enjeux sont trop importants pour faire cavalier seul. »
Autre obstacle majeur : la fabrication excessive de plastique vierge, peu onéreuse, qui sape les efforts de recyclage. M. Katz explique que les gouvernements pourraient mettre en œuvre des politiques pour assurer la parité des prix des produits faits de matériaux recyclés, et ainsi encourager le développement des infrastructures et la récupération des matériaux.
« Ces mesures ne sont pas simples, admet-il, mais elles ont le potentiel d’accroître la compétitivité des matériaux recyclés. »
Si les tendances liées aux déchets plastiques sont plutôt décourageantes, l’homme d’affaires se montre optimiste.
« J’envisage l’avenir à l’aune de notre incidence collective. Nous avons le pouvoir et l’influence nécessaires pour changer le monde. C’est ce qui me donne de l’espoir, conclut-il.
J’aspire à un monde dans lequel nos actions sont guidées par la compassion et par la volonté de protéger l’environnement, et où plus aucun matériau n’est considéré comme un déchet. »
Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.
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