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Comment tirer parti de la hausse des taux d’intérêt

Par Jane Robinson

Publié le janvier 29, 2024 • 10 min de lecture

Lorna McKercher a connu plusieurs cycles de hausse et de baisse des marchés financiers dans le secteur agricole. Cultivatrice-grainetière de cinquième génération en Ontario, elle est la nouvelle directrice générale nationale, secteur agricole de RBC au Canada. Mais la forte hausse constante des taux d’intérêt à laquelle nous assistons depuis mars 2022 est sans précédent ces dernières décennies et est susceptible d’entraîner des changements dans l’approche de la gestion financière des exploitations agricoles, selon Mme McKercher.

« Tout est plus serré », indique Mme McKercher. Les prix des produits de base sont en baisse tandis que les taux d’intérêt, les coûts des intrants et les coûts de main-d’œuvre augmentent. »

La hausse des taux d’intérêt et l’augmentation immédiate du coût d’emprunt, qui va de pair, en inquiète plus d’un et pas seulement dans le secteur agricole. Pour les exploitations agricoles, cette augmentation a une incidence sur les marges de crédit d’exploitation à taux d’intérêt variables, sur les comptes fournisseurs assortis d’intérêts et sur la dette à plus long terme qui sert à financer les achats d’immobilisations.

Pourquoi ces hausses ?

Craig Wright qualifie les récentes hausses des taux d’intérêt de l’une des tendances les plus agressives en trois décennies « La Banque du Canada a procédé à des hausses marquées des taux d’intérêt afin de ramener l’inflation dans sa fourchette cible de 1 à 3 % alors qu’elle avait atteint 8,1 % en juin 2020, son plus haut niveau depuis plusieurs décennies », explique M. Wright, économiste en chef à RBC.

La montée en flèche des taux d’inflation est l’une des nombreuses répercussions de la pandémie de COVID-19. En effet, la demande croissante de biens s’est accompagnée d’un fort engorgement des chaînes logistiques et de la montée de l’incertitude géopolitique qui a exercé une pression sur les prix dans le monde entier.

« Comme les tensions dans les chaînes logistiques se sont atténuées, le Canada a constaté une amélioration des taux d’inflation et les récentes hausses des taux contribueront à réduire encore l’inflation à mesure que la demande intérieure reviendra au niveau de l’offre », ajoute M. Wright.

Leur incidence sur le secteur agricole

La conséquence évidente, c’est que les prêts agricoles qui doivent être renouvelés arrivent à échéance à un moment où le taux d’intérêt est beaucoup plus élevé que celui auquel ils étaient verrouillés. « Nous avons connu près de deux décennies de taux d’intérêt bas, avec un taux historiquement inférieur à 5 % depuis 2009 », explique Mme McKercher. Par conséquent, tous les prêts qui arrivent à échéance coûteront plus cher qu’avant, quelle que soit leur durée.

Le coût d’emprunt pour les nouveaux achats a pris une importance prépondérante dans le processus d’achat, alors que les taux d’intérêt plus bas n’étaient qu’un élément négligeable du processus de prise de décision.

Mme McKercher souligne trois aspects auxquels les producteurs doivent penser dans le cadre du financement agricole, puisque la nouvelle réalité des taux devrait perdurer. Tout d’abord, les charges d’exploitation courantes. Elles sont généralement couvertes par une marge de crédit d’exploitation qui sera désormais assortie d’un taux variable plus élevé. Ensuite les achats d’immobilisations nécessaires au fonctionnement de l’exploitation (tracteurs, entretien des bâtiments agricoles, etc.). Et enfin, les projets d’investissement qui s’inscrivent dans un plan stratégique à long terme plus vaste de l’exploitation agricole (construction d’un nouveau bâtiment agricole ou achat de nouvelles terres).

Examinez les marges de crédit d’exploitation pour vous assurer que vous ne financez que ce dont vous avez besoin, parce qu’il s’agit d’un taux variable. Si vous envisagez d’acheter un nouvel équipement ou d’investir dans des quotas supplémentaires, financez-les avec un prêt à terme ou un prêt hypothécaire à taux d’intérêt fixe afin de connaître vos coûts.

« Chaque achat doit être analysé pour vérifier qu’il correspond aux objectifs de l’exploitation. Des taux plus élevés signifient que les producteurs devront analyser encore plus leurs décisions d’achat pour s’assurer qu’elles sont judicieuses et opportunes », selon Mme McKercher. Pensez aux flux de trésorerie générés par cet achat ou vérifiez si vous disposez de liquidités supplémentaires pour le financer. Pouvez-vous le reporter d’un an pour vous laisser le temps de rembourser d’autres dettes ? Ou alors pouvez-vous trouver un autre moyen de générer les revenus qui vous permettront d’effectuer ces nouveaux achats d’immobilisations.

« Je n’ai jamais vu autant de gens contracter des prêts à taux fixes pour des durées plus longues qu’au cours de l’année écoulée », indique Mme McKercher. « Le verrouillage des taux procurera aux producteurs des taux plus bas et une plus grande certitude tout en leur offrant une certaine souplesse pour l’avenir ».

En ce qui concerne la planification globale, Mme McKercher encourage les producteurs à se remettre un peu en question. « La hausse des taux d’intérêt nous oblige à prendre des décisions que nous n’aurions pas prises quand les taux étaient plus bas, explique Mme McKercher. Assurez-vous de réaliser vos grands projets pour la bonne raison. »

Travaillez les chiffres. Parlez-en.

La communication et une bonne gestion sont les clés de la réussite de la plupart des entreprises et les pierres angulaires du travail avec des intérêts élevés. Mme McKercher sait qu’une bonne gestion est payante même lorsque les décisions sont prises dans un contexte de taux d’intérêt plus bas. « Aujourd’hui, une stratégie de taux d’intérêt doit faire partie de votre processus plus vaste de planification des décisions agricoles. »

La clé de ce processus consiste à parler des options. Appuyez-vous sur votre conseiller financier pour qu’il vous aide à repérer les options et les occasions. « Les hauts et les bas font inévitablement partie de l’aspect financier de la gestion d’une exploitation agricole, mais ne sont pas le reflet des capacités de l’exploitant agricole», selon Mme McKercher. Nous voulons discuter des options et déterminer ce qui fonctionne le mieux pour vous et votre exploitation. »

Connaissez vos chiffres, c’est-à-dire les coûts de production et la date de renouvellement des prêts. Davantage de renseignements vous aideront à élaborer une stratégie qui pourrait comprendre un échelonnement des renouvellements lorsque cela est possible, afin de ne pas exposer l’ensemble de votre exploitation en même temps.

Constituez un fonds de roulement plus important. La hausse des taux d’intérêt rappelle à Mme McKercher le sage conseil de David Kohl, économiste agricole réputé, selon lequel la « trésorerie est reine ». La constitution d’un fonds de roulement plus important offrira une plus grande souplesse pour ce qui est du renouvellement ou du remboursement des prêts et des options de financement pour les nouveaux projets.

« Lorsque vous avez de la trésorerie, vous disposez de plus d’options pour prendre des décisions monétaires, affirme Mme McKercher. Le manque de trésorerie dans un contexte de marchés plus serrés et de taux plus élevés influe sur votre capacité à prendre les décisions que vous voulez prendre et à effectuer les achats et les paiements que vous voulez effectuer ». 

Faites également le tour de votre exploitation pour voir si vous pourriez vendre des actifs non générateurs de revenus afin d’augmenter votre fonds de roulement ou alléger la dette attachée à cet actif.

La hausse des taux d’intérêt présente quelques avantages

Tout n’est pas tout noir pour le secteur agricole. Mme McKercher peut désormais offrir d’excellentes options de placement à ses clients. « Nous avons des occasions de placement moins risquées qui fournissent des rendements et permettent de se diversifier lorsque tout n’est pas investi dans l’exploitation », selon elle.

La hausse des taux d’intérêt devrait également ralentir l’augmentation rapide de la valeur des terres agricoles qui résultait de l’accès à de l’argent « bon marché » ne nécessitant pas d’intégrer l’incidence de la hausse des taux d’intérêt.

Il ne fait aucun doute que les exploitants agricoles devront se poser des questions difficiles pour comprendre les risques qu’ils courent avec leur exploitation, et savoir où ils en sont et ce avec quoi ils se sentent à l’aise. « Plus le marché se resserre, plus il vous oblige à réfléchir à la tolérance au risque et au niveau de confort que vous pouvez accepter, conclut Mme McKercher. Nous ne pouvons pas miser sur un retour des taux d’intérêt à leurs niveaux d’avant la pandémie. »

M. Wright se fait l’écho de cette prédiction et ajoute : « Nous pensons que le taux d’intérêt actuel de 5 % est suffisant pour reprendre la maîtrise de l’inflation, ce qui laisse penser que la récente série de hausses des taux d’intérêt est derrière nous. »

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.

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Sujets:

Agriculture ESG Perspectives secteur commercial