Après une traversée difficile, les investisseurs espèrent que le secteur canadien de l’immobilier commercial bénéficiera de meilleures conditions de marché en 2025, mais certains obstacles persistent.
Les coûts d’emprunt et de construction en forte augmentation, la surabondance de l’offre, la baisse du nombre de permis délivrés et l’affaiblissement du marché de l’emploi ont fait de 2024 une année particulièrement difficile pour le secteur, selon l’Association canadienne de l’immobilier (ACI).
Le ralentissement s’est amorcé à la fin de 2023, lorsque le nombre de permis délivrés pour la construction d’immeubles non résidentiels a chuté de 3 % sur une base annuelle, et de plus de 13 % par rapport au trimestre précédent, avec les baisses les plus marquées en Colombie-Britannique, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador. Malgré une baisse des taux d’intérêt et de l’inflation, le marché est resté frileux en 2024.
Quelques signes encourageants sont toutefois apparus en fin d’année. Selon le rapport Perspectives sur le marché de l’immobilier au Canada – 2025 de CBRE, le marché de l’immobilier commercial a gagné en dynamisme au cours du deuxième semestre de 2024, affichant une hausse du volume des opérations et des activités.
« Chaque baisse du taux directeur a amélioré la confiance des investisseurs à l’égard d’une reprise du marché dans un contexte de financement stable et plus accommodant ». Le rapport explique que le volume des opérations dans l’immobilier commercial pourrait atteindre 45 milliards de dollars en 2024. « Il s’agirait de la troisième baisse annuelle consécutive du volume des investissements depuis le sommet de 2021, ce qui correspond aussi au creux attendu avant une reprise en 2025. »
Incertitude persistante à court terme pour le marché canadien de l’immobilier commercial
Bien qu’une reprise soit loin d’être certaine, le rapport de CBRE conclut que les conditions du marché sont favorables à un redressement au second semestre de l’année, en supposant que les taux d’intérêt continuent de baisser.
Cela est toutefois loin d’être certain, puisque la Banque du Canada a annoncé la fin du resserrement quantitatif à la suite de la réduction de taux de 25 points de base en janvier et a suggéré que les menaces tarifaires du président Trump moduleraient ensuite l’évolution des taux. Bien qu’une guerre commerciale ait été évitée à la fin de janvier, la question est loin d’être réglée, puisque l’accord temporaire n’accorde qu’une trêve de 30 jours.
« Une incertitude plus élevée que d’habitude entoure les projections présentées dans le Rapport sur la politique monétaire de janvier, publié aujourd’hui, étant donné l’évolution rapide des politiques publiques et en particulier la menace des droits de douane par la nouvelle administration américaine », a écrit la Banque dans son annonce sur les taux d’intérêt du 29 janvier.
La Banque a prévenu qu’une guerre commerciale avec le plus important partenaire commercial du pays pourrait avoir une incidence importante sur l’inflation, et par le fait même sur les taux d’intérêt, ce qui susciterait de l’incertitude quant à l’avenir du marché de l’immobilier commercial.
Dans l’entrevue accordée à BNN Bloomberg, Kevin Meyler, associé et vice-président principal, Services-conseils en finance à BDO Canada, a déclaré que, selon lui, « l’immobilier commercial était confronté à des défis depuis un certain temps et que cela se reflétait dans les prix. » « Je suis d’avis que des obstacles continueront de nuire au secteur de l’immobilier commercial. »
Toutefois, malgré les défis potentiels à court et même à moyen terme, Kevin Meyler reste confiant à l’égard des perspectives à long terme. « Je veux croire que le secteur rebondira », dit-il. « Cela a historiquement été le cas. Donc, je pense que des occasions se présenteront. Et si les prix sont justes, les investisseurs pourraient s’intéresser à ces occasions », ajoute-t-il.
Des secteurs de l’immobilier commercial sur des trajectoires différentes
À mesure que le marché s’oriente vers une reprise, certains secteurs de l’immobilier commercial devraient rebondir plus rapidement que d’autres.
Retour au bureau
Le taux d’inoccupation des édifices à bureaux, qui a atteint un sommet à l’été 2024, s’atténuera cette année croient les experts.
Selon un récent rapport du Groupe Altus, la demande pour les espaces de bureaux a fléchi depuis la pandémie en raison de l’augmentation du télétravail, de la réduction des effectifs des entreprises et de l’incertitude entourant l’économie en général. Toutefois, le groupe d’analyses et de recherche en immobilier commercial avance que « le marché des bureaux semble franchir une étape importante. »
Selon le rapport, la reprise économique, l’augmentation des activités de location et les mesures de retour au bureau stimuleront la demande dans les mois à venir. Parallèlement, le ralentissement important de l’activité de construction au cours des dernières années est sur le point de se répercuter sur l’offre, surtout pour les locataires en quête d’espaces plus modernes.
Le rapport de CBRE en arrive à une conclusion semblable et avance que les locataires de bureaux retrouveront un état d’esprit axé sur la croissance en 2025, notant que le récent ralentissement de la construction se traduira par une offre insuffisante de bâtiments modernes, aménagés et durables.
Magasinage thérapeutique
Le secteur du commerce de détail est bien placé pour tirer profit de tendances semblables susceptibles de favoriser la reprise dans le bureau, notamment la baisse des taux d’intérêt, l’amélioration de la demande et l’offre limitée de nouveaux espaces. Mais le secteur est également confronté à des défis uniques.
Selon le rapport de CBRE, les coûts de construction élevés ont limité les activités de construction ces dernières années, ce qui a fait augmenter la demande et les coûts de location des espaces de vente au détail, en particulier ceux qui sont déjà aménagés. Les détaillants se préparent également à prendre de l’expansion dans les marchés secondaires cette année.
Par ailleurs, ce secteur est peut-être le plus exposé à la conjoncture macroéconomique et au sentiment économique local. Par exemple, une guerre commerciale avec les États-Unis frapperait le secteur du commerce de détail de manière plus forte et plus rapide, tant sur le plan des opérations financières internes que pour ce qui est de la confiance des consommateurs. Les déterminants à long terme, comme le plan de réduction de l’immigration, pourraient également entraîner une baisse des dépenses de consommation, ce qui exercera une pression accrue sur les détaillants.
Le secteur connaîtra probablement une certaine amélioration par rapport à l’an dernier, mais le commerce de détail demeurera en première ligne des incertitudes économiques les plus pressantes du Canada et sera plus sensible aux chocs du marché au cours de l’année à venir.
Terrains industriels inutilisables
Après une hausse sans précédent de la demande en locaux industriels pendant la pandémie, le secteur a connu récemment un important repli, les entreprises de logistique et les détaillants se délestant d’une partie des espaces qu’ils ont occupé pendant la pandémie. Toutefois, selon Colliers Canada, le nombre de nouvelles constructions industrielles a chuté de 30 % par rapport à son sommet, ce qui pourrait entraîner des changements dans l’offre.
Cela dit, le repli du commerce de détail et de la logistique est compensé par la forte demande du secteur agroalimentaire et des centres de données, notamment en Alberta, en raison de son expansion économique récente.
Selon CBRE, le secteur de l’immobilier industriel a commencé à montrer des signes d’amélioration, alors que les loyers s’orientent à la baisse et que le marché continue d’absorber la nouvelle offre, ce qui prépare le terrain à un éventuel rebond vers le milieu de 2025.
Vue d’ensemble de l’immobilier commercial en 2025
Malgré des trajectoires différentes d’un type de propriété à l’autre, les capitaux institutionnels devraient revenir et insuffler dans le marché des liquidités accrues en 2025, ce qui pourrait contribuer à faire passer le volume des investissements dans le secteur immobilier commercial à environ 48 milliards de dollars selon CBRE. Le groupe remarque le fort potentiel en matière d’activités de fusion et d’acquisition, qui contribue également à l’optimisme quant à un redressement de l’immobilier commercial au cours de la prochaine année.
Si un redressement se produit plus tard cette année, des signes démontrent qu’il pourrait rapidement provoquer un effet « boule de neige », en admettant que la conjoncture macroéconomique demeure favorable.
« Interrogés sur les principales régions d’investissement envisagées à l’extérieur de leur pays, les investisseurs étrangers ont mentionné l’Allemagne, le Canada, le Mexique, l’Inde et l’Australie comme principaux choix », selon les auteurs du rapport sur les perspectives mondiales de Deloitte 2025 Commercial Real Estate Outlook. « Les activités d’investissement devraient reprendre en 2025 et les investisseurs internationaux pourraient se tourner vers ces régions en premier. »
Le rapport, qui a sondé 880 hauts dirigeants dans le monde entier, a révélé que 68 % d’entre eux s’attendent à ce que le volume des opérations et la disponibilité des capitaux pour l’immobilier commercial augmentent considérablement cette année. À la même période l’an passé, seulement 27 % prévoyaient une augmentation des opérations.
Bien qu’une grande incertitude demeure, particulièrement en ce qui concerne l’inflation, les taux d’intérêt et les tarifs douaniers, le Canada devrait offrir aux investisseurs un marché immobilier commercial attrayant en 2025.
« Il y a beaucoup de pessimisme et de renseignements non fondés dans les médias sociaux qui racontent que le Canada est ruiné. Mais le Canada demeure un acteur de la croissance et le marché est plus optimiste aujourd’hui qu’il ne l’a été au cours des deux dernières années », a déclaré le président du conseil d’administration de CBRE Canada, Paul Morassutti, au Globe & Mail en décembre. « Nous nous attendons à ce que l’année 2025 soit nettement plus dynamique que l’année 2024. »