Prévisions économiques pour 2024 : perspectives transfrontalières sur les taux d’intérêt, l’inflation, le logement et plus encore

Publié le 13 décembre 2023 • 16 min de lecture
Lors d’une présentation en octobre 2023, Carrie Freestone, économiste à RBC, a donné un aperçu de ce que 2024 pourrait apporter. Abordant la question des dépenses de consommation, des marchés de l’emploi, de la croissance du PIB et de l’inflation, Mme Freestone a présenté son interprétation de ces indicateurs clés, entre autres, et de ce qu’ils pourraient signifier pour les résidents du Canada et des États-Unis.
Une vision mondiale
Selon Mme Freestone, la croissance du PIB mondial a marqué le pas en 2023 et un nouveau ralentissement est attendu en 2024. « C’est le cas dans la plupart des grandes économies que nous surveillons », précise-t-elle, en ajoutant que l’incidence des taux d’intérêt élevés commence à se faire sentir pour les consommateurs du monde entier, pesant sur les dépenses et la croissance économique.
La croissance du PIB canadien est à l’image de la situation mondiale, mais les États-Unis constituent une exception. De fait, la croissance du PIB a été excessivement forte aux États-Unis au cours des trois premiers trimestres de 2023. Mais pour Mme Freestone, cette dynamique ne devrait pas se poursuivre, car les dépenses chez nos voisins américains ont été alimentées par l’épargne accumulée au cours de la pandémie, épargne qui est désormais largement épuisée.
Contexte de récession au Canada, et éventuellement aux États-Unis.
Les données sur le PIB montrent que le Canada connaît actuellement en légère récession, qui ne devrait toutefois pas s’aggraver cette année ni l’an prochain. Mme Freestone s’attend à une récession « légère à modérée » jusqu’à la fin de l’année 2024 compte tenu du ralentissement économique et du fléchissement des dépenses au Canada.
Même si le premier trimestre de 2023 a enregistré une croissance du PIB de 2,6 % par rapport au trimestre précédent, le deuxième trimestre a été passablement plus atone, se repliant de deux dixièmes du PIB d’un trimestre à l’autre. Cette baisse a d’ailleurs déclenché l’annonce d’une récession en début d’année.
Dans ces conditions, comment fait le Canada pour éviter une récession plus grave? Mme Freestone met en avant la croissance démographique du pays, qui distingue l’économie canadienne des autres.
« La population canadienne a progressé de 3 % l’an dernier. Au cours des dix dernières années, elle a augmenté plus rapidement que celle de la Chine, de l’Inde, des États-Unis, de l’Amérique centrale, de l’Amérique du Sud et de l’Europe », indique-t-elle.
Quelle est l’incidence de cette croissance démographique sur les perspectives économiques à l’approche de 2024? Mme Freestone explique :
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Elle fausse certaines données chiffrées : par exemple, même si le taux de chômage augmente, la création d’emplois et l’arrivée des nouvelles personnes pour les occuper stimulent la croissance de la main-d’œuvre.
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Elle masque une baisse par habitant : alors que la population augmente considérablement et que de plus en plus de gens entrent dans le pays, les dépenses de consommation augmentent, même si les Canadiens commencent à dépenser moins qu’il y a un an. « Nous avons un nombre record d’immigrants et de résidents non permanents qui viennent travailler et étudier au Canada de façon temporaire. « Ces personnes dépensent de l’argent », constate Mme Freestone. « Cela nous permet en quelque sorte de garder la tête hors de l’eau. » Même si la croissance du PIB réel diminue depuis le second semestre de l’an dernier, dans l’ensemble, le Canada se porte bien. « La croissance de la population est l’un des facteurs qui nous mettent à l’abri d’une récession plus prononcée. »
Au quotidien, les ménages canadiens ressentent la pression
Aujourd’hui, les Canadiens consacrent 15 % de leur paie nette au remboursement de leur dette. L’inflation des produits d’alimentation frôle les 7 % sur 12 mois, et les salaires n’augmentent pas assez vite pour faire face à toutes ces dépenses supplémentaires. En conséquence, on observe une réduction marquée des dépenses consacrées à la consommation discrétionnaire. « Les Canadiens sont pris à la gorge », constate Mme Freestone.
« Outre l’augmentation du coût de l’épicerie et de l’essence, nous commençons à observer un repli du côté des services », précise-t-elle. La hausse des remboursements d’emprunts et de l’inflation va continuer de réduire le pouvoir d’achat au Canada et d’affaiblir le secteur de la vente au détail. Mme Freestone ajoute qu’elle s’attend à une amélioration de la situation au cours du second semestre de 2024, à mesure que le Canada sortira de la récession et que des réductions de taux commenceront à avoir lieu. Il faudra néanmoins du temps pour que ces réductions se diffusent à l’ensemble de l’économie et aient une incidence sur la consommation.
Taux d’intérêt : évolution passée et future
Avant de se pencher sur l’état actuel des taux d’intérêt et les prévisions en la matière, Mme Freestone évoque les causes des hausses de taux des douze derniers mois :
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Au plus fort de la pandémie, le PIB réel s’est contracté de plus de 18 % et 3 millions d’emplois ont été supprimés au Canada, ce qui s’est traduit par un taux de chômage de 13 %. Il n’a jamais été aussi élevé depuis que les données sur la main-d’œuvre font l’objet d’un suivi.
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L’économie s’est rapidement redressée – à compter de novembre 2021, tous les emplois supprimés pendant la pandémie ont été entièrement récupérés, et le Canada a même commencé à créer des emplois.
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La demande atteignait alors des records au Canada. Les Canadiens étaient prêts à payer des coûts plus élevés, notamment pour le bois d’œuvre, les billets de concert, les restaurants, les billets d’avion et les hôtels, en raison de la demande refoulée.
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En février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine, coupant une grande partie de l’approvisionnement en pétrole de l’Europe et limitant considérablement l’offre mondiale de blé. Les prix des marchandises ont grimpé encore plus haut.
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Lorsque la Banque du Canada a déterminé que l’inflation n’était pas transitoire, elle a commencé à relever les taux d’intérêt en vue de contenir l’inflation. Si l’on revient à l’an dernier, à dix reprises, la Banque du Canada a relevé les taux de 475 points de base.
« Nous sortons d’une décennie, entre la crise financière et la pandémie, où les taux d’intérêt se sont situés autour de 1 %, soit bien en deçà du niveau cible de 2 % », indique Mme Freestone. « Pendant la pandémie, ils étaient de 0,25 %. Nous sommes maintenant à 5 %. Le choc est donc important », poursuit-elle, ajoutant que les taux hypothécaires ont considérablement augmenté en conséquence, et les consommateurs en ont pâti.

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Comment les taux vont-ils évoluer?
Mme Freestone souligne que la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine (Fed) sont conscientes des risques d’une hausse excessive des taux, car il y a en général un décalage de 12 mois entre le moment où les taux sont relevés et celui où les consommateurs en ressentent les effets. « C’est pourquoi nous nous attendons à ce que la Banque du Canada et la Fed maintiennent les taux d’intérêt dans la fourchette des 5 % », précise-t-elle. « Si elles les relèvent trop – et nous n’en ressentirons pas vraiment les effets avant l’an prochain – le ratio de remboursement de la dette continuera d’augmenter. » Autrement dit, des taux d’intérêt plus élevés pourraient entraîner les économies dans une récession plus grave.
« Nous nous trouvons dans une période où de plus en plus de Canadiens renouvellent leur prêt hypothécaire. Aux États-Unis, la situation est un peu différente, car les gens ont des prêts hypothécaires de plus longue durée qu’au Canada. Mais pour les gens qui renouvellent leur prêt hypothécaire, nous constatons qu’ils ont un peu moins de marge de manœuvre. Notre scénario de base est donc que la Banque du Canada et la Fed maintiendront les taux au niveau actuel. »
Quelles sont les conséquences pour l’inflation et les prévisions économiques au Canada?
Les hausses de taux d’intérêt visent à freiner l’inflation. « La cible de la Banque du Canada est une inflation entre 1 % et 3 % », explique Mme Freestone. « Nous voulons vraiment que l’inflation atteigne 2 %; si nous avons une inflation proche de trois, c’est un signe que la politique monétaire porte ses fruits. »
En juillet, l’inflation s’établissait à 3,3 %, ce qui est plus proche de la cible, mais en août, l’inflation globale est remontée à 4 %. Un seul mois ne représente pas une tendance et, si la hausse des prix en août pouvait être annulée en septembre, les perspectives seraient meilleures. Au moment de la présentation de Mme Freestone, les données sur l’inflation de septembre n’avaient pas encore été publiées.
Quelles sont les conséquences pour l’inflation et les prévisions économiques aux États-Unis?
Chez nos voisins américains, l’inflation demeure supérieure à la cible, mais elle diminue un peu plus rapidement qu’au Canada. Du point de vue des consommateurs, l’une des principales différences est que les prix des denrées alimentaires aux États-Unis auraient augmenté de 3 % sur 12 mois, tandis qu’au Canada, ils ont progressé de 6,9 %. Dans le secteur des services du pays, l’inflation se rapproche de la cible de 2,2 %.
La grande question est de savoir quand les taux commenceront à baisser. « Je suis désolée de le dire, mais nous ne prévoyons pas de baisses de taux au Canada avant le troisième trimestre », précise Mme Freestone. Nous pensons que la Banque du Canada réduira les taux de 50 points de base au troisième trimestre de 2024 et à nouveau de 50 points de base au quatrième trimestre. Cela portera le taux du financement à un jour à 4 % d’ici la fin de 2024, c’est-à-dire qu’il sera bien au-dessus du niveau neutre précédent de 2 %, mais en baisse par rapport au taux de 5 %. »
Aux États-Unis, où les hausses ont été un peu plus fortes, Mme Freestone s’attend à une réduction de 25 points de base au deuxième trimestre, puis, comme au Canada, à une réduction de 50 points de base au troisième trimestre, suivie d’une autre réduction de 50 points de base au cours du second semestre.
L’incidence des marchés de l’emploi
La Banque du Canada et la Fed sont préoccupées par le durcissement du marché de l’emploi. Mme Freestone explique pourquoi c’est important :
« Lorsque le taux de chômage est faible (l’été dernier au Canada, il se trouvait à un nadir historique de 4,9 %), les employeurs ne trouvent pas à embaucher. Et lorsque les employeurs ont du mal à embaucher, les employés potentiels exigent des salaires plus élevés. Les pénuries de main-d’œuvre alimentent donc la croissance des salaires, ce qui peut aussi avoir un effet inflationniste. »
« Le taux de chômage est passé de 5 % à 5,5 % et nous nous attendons à ce qu’il continue d’augmenter pour atteindre un sommet de 6,6 % à la fin de l’année », confie-t-elle. Même si le taux de chômage est à la hausse, elle continue de surveiller la croissance des salaires. « Si les salaires augmentent et ne font que suivre l’inflation, ça va. Ce qui est préoccupant, c’est quand la croissance des salaires commence à dépasser le taux d’inflation. Or, nous sommes dans une situation où elle est encore au-dessus. Nous voulons que les choses se calment un peu, mais ça n’est pas encore arrivé, alors nous allons surveiller la situation. »
Les marchés du logement s’assouplissent au Canada et aux États-Unis.
Les marchés du logement ont touché le fond des deux côtés de la frontière au printemps 2023. La plupart des marchés se sont rééquilibrés, mais demeurent faibles. D’après Mme Freestone, la croissance des prix au Canada a récemment atteint son rythme le plus lent : entre juillet et août, l’indice MLS des prix des logements n’a progressé que de quatre dixièmes de pourcentage environ. « Ça reste très calme en ce moment, mais lorsque les réductions de taux commenceront l’an prochain, nous nous attendons à ce que le marché se redresse un peu. »
Mme Freestone ajoute que de nombreuses personnes se demandent pourquoi le marché canadien ne s’est pas effondré de manière plus marquée. La réponse se trouve dans la croissance démographique. « Tant que plus de gens s’installent au Canada, la question est de savoir si nous pouvons construire suffisamment de logements. La réponse est non : nous sommes loin de construire assez de logements pour toutes les personnes qui s’installent ici. »
Elle indique que la situation est très préoccupante en ce qui concerne l’abordabilité du logement à Toronto, où le revenu médian requis pour rembourser un prêt hypothécaire à taux fixe de cinq ans avec une période d’amortissement de 25 ans est d’environ 80 % du revenu net du propriétaire. À Vancouver, c’est 98 %. Le logement continuera d’être un défi pour les acheteurs potentiels.
Toutefois, Mme Freestone reconnaît que cette demande est une bonne chose pour les propriétaires. « Si vous possédez une propriété au Canada et que vous voulez récupérer votre investissement pour déménager aux États-Unis, la situation actuelle vous est favorable. »
Perspectives concernant le dollar américain
Pour conclure, Mme Freestone s’intéresse au dollar américain. Au cours de l’année écoulée, le dollar américain s’est raffermi par rapport au dollar canadien, ce qui est davantage attribuable à la force d’attraction du dollar américain pour les investisseurs mondiaux qu’à l’affaiblissement du huard. « Comme les taux ont augmenté à l’échelle mondiale, les gens ont tendance à acheter davantage de dollars américains », indique Mme Freestone, en ajoutant que le contexte actuel de taux de rendement plus élevés (attribuable à plusieurs facteurs, dont les taux d’intérêt, l’inflation et l’imminence des élections aux États-Unis) attire les fonds des investisseurs étrangers, ce qui fait encore grimper le dollar américain.
Pour Mme Freestone, le dollar canadien devrait s’établir cette année autour de 72 cents américains. L’an prochain, il devrait atteindre 76 cents. « La situation va s’améliorer, mais il faudra du temps. »
En conclusion
Même si le Canada connaît aujourd’hui une légère récession, la croissance démographique, des habitudes d’épargne solides et la hausse du taux de chômage pourraient protéger le pays d’une récession plus grave. La Banque du Canada et la Fed ont adopté des stratégies pour aider à contenir l’inflation, mais on s’attend à ce que les taux demeurent stables; ils pourraient même diminuer vers la fin de l’année prochaine. S’il semble y avoir des motifs d’optimisme et de soulagement, Mme Freestone avertit qu’il faudra un certain temps pour que la situation s’améliore.

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